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Tribune
Les policiers frappés ou insultés doivent recevoir
le soutien total, déterminé et sans atermoiement
de la puissance publique.
La persistance de la menace terroriste mais aussi les risques quotidiens que rencontrent
les policiers doivent naturellement conduire à protéger leur anonymat. Je pense souvent
à Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, assassinés chez eux à Magnanville. Et à
tant d’autres collègues agressés parce que policiers. Mais je ne peux me résoudre à cette
situation qui valide une inversion totale des valeurs. Une situation où le délinquant exhibe
ses méfaits sur les réseaux sociaux quand le policier est enjoint d’y dissimuler ses fonc-
tions. En ne réagissant pas, on s’habitue et en s’habituant, on ratifie ce changement qui
laisse le gamin croire qu’il est plus glorieux d’afficher sa violence sur Facebook Live que
de servir son pays sous l’uniforme. Les policiers doivent pouvoir être fiers de leurs morts,
de leurs héros et de leur engagement quotidien.
Pourquoi les policiers morts en service restent-ils si souvent anonymes ? Quand Xavier
Jugelé a été assassiné par un terroriste sur les Champs-Élysées le 20 avril 2017, on a vu
son visage et on a entendu son nom. La France entière a pu ressentir de l’empathie car,
derrière l’information, elle a rencontré un homme. Partageons cette fierté avec l’ensemble
de la population en diffusant la photo des policiers décédés en mission. Chaque Français
pourra voir, derrière le visage de celui qui est mort, un fils, une sœur, une mère ou un
frère. Je préfère me souvenir du visage de mes collègues policiers de la préfecture de
police que de celui de leur assassin.
Les policiers frappés ou insultés doivent recevoir le soutien total, déterminé et sans ater-
moiement de la puissance publique en veillant à leur accorder la protection fonctionnelle
et à suivre attentivement les poursuites pénales engagées contre les auteurs de ces
attaques. Ne pas sanctionner très fermement dès l’insulte ou l’outrage, c’est contraindre
le policier soit à entrer dans une confrontation physique si on veut que force reste à la loi,
soit à abdiquer face à la remise en cause des institutions.
Le policier de terrain, qui prend tous les risques physiques
doit pouvoir lui aussi être récompensé, au moins autant que
le haut fonctionnaire.
Les policiers sont fiers de la reconnaissance de la République quand elle leur décerne
des décorations. La Légion d’honneur reconnaît l’engagement au service de nos conci-
toyens « sans distinction de hiérarchie professionnelle ». Dans les faits, ce sont pourtant
le plus souvent les chefs qui en bénéficient. Le 14 juillet dernier, 9 préfets et sous-préfets,
5 commissaires et 2 commandants ont été distingués. Aucun gardien de la paix ou gradé.
Le policier de terrain, qui prend tous les risques physiques – plus de 5 000 policiers
sont blessés en mission chaque année – doit pouvoir lui aussi être récompensé, au moins
autant que le haut fonctionnaire.
Pour retrouver leur fierté, les policiers ont certes besoin de moyens et d’une juste rému-
nération. Mais ils aspirent également à ce que la reconnaissance et le respect de la Nation
se traduisent par des symboles forts.
décembre 2019 ⁄ n° 338 ⁄ P. 19